• Article 1

    Un homme est debout face à l'océan.
    Derrière lui, une bicoque en bois perdue sur la lande.
    Devant lui, la mer agitée.

    Tout n'est que sensations pures.

    Le bruit des vagues...
    Les cris aigus des mouettes cherchant des crustacés...
    L'odeur des algues...
    Le bruit des vagues....
    Quelques bateaux au loin, très loin sur la ligne de l'horizon...

    Le vent lui fouette le visage; l'homme passe sa langue sur ses lèvres, lentement, pour y retrouver le goût salé de l'océan.

    Tout n'est que sensations pures.

    La mer bleue agitée et le vent qui agite ses cheveux.
    Les vagues cognant les rochers dans un fracas assourdissant.

    Il y a le bruit des vagues.
    Les couleurs rougeoyantes de l'aube naissante qui embrasent le ciel et la mer.
    Encore le bruit des vagues, incessant va-et-vient de gris et d'écumes...
    Et un homme debout face à l'océan et à lui-même.


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  • [GEMD] Chapitre cinq : "I'm singing in the rain. Just singing in the rain"

    [GEMD] Chapitre cinq : "I'm singing in the rain. Just singing in the rain"

    [GEMD] Chapitre cinq : "I'm singing in the rain. Just singing in the rain"

    Ils firent les deux cents mètres qui séparaient le restaurant du bureau de campagne de Corentin dans un profond silence. Ce fut le politicien lui-même qui la tira de sa rêverie une fois arrivés à l'accueil :

    « Je ne vous présente pas Sabrina, vous vous connaissez déjà ! Suivez-moi dans le bureau que vous partagerez avec Georges Rivière. J'espère que ça ne vous dérange pas ?
    — Pas le moins du monde ! »

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    Ledit bureau était presque aussi fastueux que celui du candidat, mais en taille réduite. La vue imprenable sur le pont des Ramages lui donnait un cachet inestimable. L'homme en gilet jaune qui travaillait à l'un des deux bureaux devait être Georges Rivière. Ce qui se confirma lorsque Corentin de Neuville fit les présentations.

    « Je suis sûr que vous allez très bien vous entendre tous les deux... Georges va vous montrer le rapport sur notre organisation... Prenez-en connaissance et rejoignez-moi dans mon bureau dès que vous aurez fini ! »

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    Garance s'installa en face de Georges, qui la regardait avec curiosité mais sans hostilité. Il lui sourit timidement en lui tendant le rapport, se racla la gorge avant de demander :

    « Vous pensez que l'on peut encore rattraper le retard avec les candidats caracolant en tête ?

    — Et vous, quel est votre sentiment sur la question ?

    — Je pense que si vous êtes là, l’espoir est encore permis... »

    « Si je suis là, c'est qu'il n'y a presque plus d'espoir justement... ». Mais Garance préféra garder sa réflexion pour elle pour ne pas démoraliser son nouveau collègue. Consciencieusement, la jeune femme parcourut les pages du rapport qu'il venait de lui remettre, surprise par la qualité du travail de l'équipe de Neuville. La précision de l'organisation, les courbes de l'électorat, les derniers sondages et les informations récoltées sur les autres candidats dénotaient une grande conscience professionnelle. Dommage que leur patron ne soit pas à la hauteur des efforts fournis par ses collaborateurs...

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    Une demi-heure plus tard, Garance se rendait dans le bureau du politicien, qui était en pleine conversation avec son directeur de cabinet. Quand il posa les yeux sur elle pour l'inviter à s'approcher, Garance se sentit transpercée par l'intensité de son regard. Se morigénant en silence, elle secoua la tête pour échapper à l'ambiance étrange qui venait de s'installer. Corentin la fixait avec une certaine appréhension :

    « Alors ? Demanda-t-il finalement. Que pensez-vous du rapport? »

    Garance ne pouvait se dédire de la bonne impression qu'elle avait eu sur la qualité du travail de son équipe. Elle le lui dit. Corentin, soulagé, lui adressa un sourire éblouissant.

    « Enfin, bon, ne vous emballez pas, tempéra Garance en jetant sur le bureau le Lama libre de la semaine. Je vous laisse prendre connaissance des prédictions du seul hebdomadaire qui ne nous soit pas ouvertement hostile ! »
    Le sourire de Corentin, de chaleureux, repassa à crispé.

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    « Les VrP* en tête, le MR** en deuxième et les DemPo*** au tapis ! Lut le candidat d'une voix assourdie.

    — C'est un journal iconoclaste qui se complaît dans la provocation gratuite, tenta de relativiser Didier Savalani.

    — Leurs pronostics tombent pourtant souvent juste », objecta la jeune femme sans quitter Corentin du regard.

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    Un silence pesant s'installa. Enfin, Neuville prit son courage à deux mains, posa la question qui le taraudait :

    « Comment allez-vous vous y prendre pour me faire remonter dans les sondages ?

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    — Cela dépend plus de vous que de moi, répliqua Garance. Ne vous approchez pas des médias, sauf si vous avez quelque chose d'intéressant à raconter ! Et par pitié, ne vous affichez plus avec une femme différente à chaque fois !

    — Dois-je vous rappeler que je n'ai pas fait vœu de chasteté ?

    — Dois-je vous rappeler que le pays n'a pas besoin de savoir chaque fois que vous changez de partenaire de lit ? Soyez discret, c'est tout ce que je vous demande... 

    — Éviter les médias quand ses adversaires passent leurs journées sur les différentes chaînes d'information en continu ? N'est-ce pas un peu risqué ? objecta Didier. 

    — N'oubliez pas, la rareté crée le désir, répondit Garance à Corentin en ignorant délibérément le jeune rouquin. Démarquez-vous des autres candidats en n'intervenant qu'à bon escient, sur les sujets d'actualité vraiment importants et pour lesquels nous vous aurons soigneusement préparé.

    — Et en attendant cette intervention miraculeuse, je fais quoi ?

    — Vous visitez une entreprise !

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    — Il faudrait choisir une usine sans syndicat ! Intervint Didier.

    — Certainement pas, s'indigna Garance. Ce stratagème est bon pour les candidats qui ont des casseroles et qui ont peur que leur visite ne se déroule pas sans accroc !

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    — Je désapprouve totalement cette proposition qui relève de l'inconscience pure, s'opposa Didier qui n'avait pu s'empêcher de hausser le ton. Tout le monde sait que les visites d'usine représentent un sport à haut risque !

    — Je ne vous demande pas d'aller sur un site menacé où la situation sociale est explosive, bien sûr. Vous pourriez en sélectionner une dont le patron serait adhérent aux DemPo, par exemple.

    — Je ne sais pas, hésitait Corentin.

    — Vous ne savez pas parce que vous ne vous connaissez aucun appui parmi les patrons ? Ou parce que l'idée vous déplaît?»

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    Corentin se mordilla nerveusement la lèvre inférieure, indécis.

    «Je ne pense pas que je me sentirais très à l'aise au milieu des ouvriers...

    — Mais si, je suis sûre que vous vous en sortirez très bien ! Parlez-leur avec naturel, mais simplement et sans les prendre de haut. De toutes façons, nous n'y allons pas en visite de séduction. La plupart, voire l 'unanimité ne votera pas pour vous...

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    — Alors pourquoi y allons-nous s'il n'y aucune chance de récolter des voix ? s'interposa encore Didier qui était décidément réticent à ce projet.

    — Parce que le candidat doit montrer que, s'il est élu, il s'intéressera à tous ses administrés, même ceux qui n'auront pas voté pour lui... En outre, il est important de renvoyer aux électeurs l'image d'un candidat au contact de la réalité économique et sociale.

    — Cette image, nous pouvons tout aussi bien l'obtenir en continuant à tracter sur les marchés et dans les halls de gare.

    — Alors, que décidez-vous?», s'enquit Garance qui craignait que son patron ne se rangeât aux arguments de son directeur de cabinet.

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    Corentin ne répondit pas, se dirigea au contraire vers la fenêtre d'où il se mit à observer en silence le spectacle de la rue. Garance se fit la réflexion qu'il avait déjà adopté cette attitude la première fois qu'elle était venue dans ce bureau. Comme pour mieux s'isoler en lui-même et réfléchir à un problème épineux.

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    Au bout d'un moment, il finit par leur faire face :

    «Didier, contacte mon ami Louis Bellanger pour moi et conviens d'un rendez-vous à son usine. Garance, restez un instant, je vous prie, j'ai quelque chose à vous dire.»

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    Il attendit que Didier soit sorti du bureau, hésita encore. Il avait appuyé son dos et ses mains contre la fenêtre et se soulevait par intermittence sur ses talons, ne sachant comment aborder le sujet qui le tourmentait. Enfin, il se lança :

    «Je tenais à vous remercier d'avoir tu à Stéphan les paroles désobligeantes que je vous ai adressées ici même l'autre jour. J'avoue que c'est cette raison qui m'a convaincu de revenir vers vous...»

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    Garance restait silencieuse, abasourdie par tant d'impudence. Elle ne s'attendait certes pas à cette confession qu'elle jugeait offensante pour elle. Enfin, elle retrouva l'usage de la parole.

    «Dommage que je ne puisse en dire autant de vous...

    — Comment ça ?

    — Stéphan a su pour mon petit chant révolutionnaire et c'est pour cette raison qu'il m'a virée... Vous n'étiez pas au courant ?

    — Je vois», souffla-t-il sur le ton du malaise.

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    Garance ne sut comment interpréter l'expression de surprise absolue qui s'était peinte sur les traits du politicien au moment où elle le blâmait. Feignait-il l'ignorance ? Ou bien se sentait-il déstabilisé par la réponse accusatrice de la jeune femme ? Il continua, non sans avoir, de gêne, détourné le regard.

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    «Avoir accepté de revenir travailler pour moi n'en est que plus remarquable et je vous promets que vous n'aurez plus jamais aucune raison de vous plaindre de moi. Ni de douter de ma loyauté. Vous pouvez disposer !»

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    Garance se dirigea comme un automate vers le bureau qu'elle partageait avec Georges Rivière, troublée par ce curieux échange... et surtout agacée de constater qu'elle éprouvait à chacune de leur rencontre un émoi indéfinissable qui s'apparentait à du trac. Elle, Garance Dunoyer, sortie major de sa promotion à Sciences Po ! Elle qui avait été successivement porte-parole de l'ACE**** et attachée politique du ministre de l'écologie sous l'ancien gouvernement ? C'était proprement impensable ! La raison devait sûrement en être imputée aux vêtements qu'elle portait aujourd'hui : elle se sentait nue sans ses uniformes gris ou noirs qui affermissaient d'ordinaire son autorité. Chassant ces pensées perturbantes de sa tête, elle s'attela à sa tâche avec une détermination accrue.

     

     

    Quelques jours plus tard, ils avaient rendez-vous dès l'aube sur la place des Épices avec Corentin et Didier pour visiter l'entreprise agro-industrielle de cinquante salariés, spécialisée dans la récolte et la transformation de lin textile , que Louis Bellanger leur avait recommandée – il n'avait pas souhaité les recevoir dans sa propre usine. L'équipe de production du matin commençant à 5h00, ils devaient arriver dix minutes avant l'ouverture des grilles, au moment où les ouvriers venaient prendre leur poste. La jeune femme consultait sa montre nerveusement quand elle vit arriver Georges Rivière. Seul.

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    «Corentin n'est pas avec vous ? De plus, je croyais que c'était M. Savalani qui devait nous accompagner ?

    — Il y a eu un changement de dernière minute ! Mais j'ai pensé à prendre les tracts et les affiches ! Quant à M. de Neuville, il nous rejoindra là-bas.»

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    Ils s'engouffrèrent dans la voiture que Georges avait louée pour l'occasion. La jeune femme était contrariée qu'ils fissent le voyage séparément. Elle aurait bien aimé profiter du trajet pour poser quelques questions à son patron et s'assurer qu'il était paré à toute question dérangeante de la part des ouvriers. Comme pour ternir le tableau, une pluie grise et têtue s'était mise à tomber d'un ciel de plomb.

    Trente minutes plus tard, le taxi les déposait à la campagne, à l'entrée d'un village situé dans une riche plaine agricole.

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    «Il n'est pas encore là!», murmura-t-elle à Georges, gagnée par un début d'appréhension.

    C'était elle qui avait fixé l'heure avec une certaine jubilation, ravie à l'idée d'infliger une torture à son patron noceur, mais maintenant, elle doutait du bien-fondé de sa décision.

    Il n'oserait quand même pas arriver après l'ouverture des grilles ! Pensa-t-elle, affligée.

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    Les premiers ouvriers commençaient par arriver et toujours pas de Neuville ! L'inquiétude de Garance monta d'un cran. Elle scrutait l'horizon, désespérant de le voir arriver. Enfin, elle crut apercevoir des phares au loin, pria pour que ce soit son patron. Quelques instants plus tard, un Corentin aux traits fermés descendait du taxi. Il ouvrit précipitamment son parapluie pour protéger son costume taillé sur mesure tout en lançant à sa collaboratrice un regard courroucé.

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    «Vous me tirez encore une fois du lit à cette heure indue et vous êtes renvoyée !»

    Cette menace était atténuée par une grimace finalement plus amusée qu'irritée.
    «Bienvenue parmi les travailleurs qui se lèvent tôt !» Osa-t-elle répliquer, un léger sourire de satisfaction aux lèvres.

    Il arbora une mine hautaine :

    «La pluie, c'est aussi une de vos idées ?

    — Vous ne croyez pas si bien dire ! Pour l'invoquer, j'ai dû me rouler nue dans la rosée du matin en psalmodiant d'antiques formules païennes ...

    — Et si vous vous rendiez utile en tenant mon parapluie ?» Lui intima-t-il tandis qu'une légère rougeur avait envahi ses joues à la vision évoquée par les paroles trop insolentes de sa collaboratrice.

    Garance obtempéra, secrètement satisfaite d'avoir réussi à ébranler cet homme qui semblait d'ordinaire si imperturbable. 

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    Les grilles venaient d'être ouvertes, et le trio se dirigea vers les employés qui commençaient à avancer. Malgré la crainte de Corentin de ne pas savoir s'y prendre avec les ouvriers, il établissait très naturellement le contact avec eux, s'intéressant sincèrement à leurs problèmes et sachant trouver les mots justes. Garance admit en son for intérieur que sa prestation forçait le respect. Pendant ce temps, Georges distribuait les dépliants qu'il avait apportés.

    Tout se passait bien jusqu'à ce qu'un petit groupe d'ouvriers à l'air déterminé se faufilât jusqu'à eux. Ils attaquèrent le candidat d'entrée de jeu :

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    «On voit que c'est bientôt les élections, m'sieur, vous vous êtes déplacé jusqu'à nous ! On vous voit jamais d'habitude..

    — Ça, c'est une idée de ma collaboratrice. D'ailleurs, vous la connaissez peut-être ? Enfant, elle vendait la Simanité le dimanche avec ses parents...

    — Bonjour, Garance. Est-ce que ta mère sait que tu travailles pour M. le vicomte ?

    — A vrai dire, je n'ai pas encore osé le lui dire, alors si tu pouvais garder un peu le secret pour toi...

    — C'est pour nous que vous avez mis votre beau costume, m'sieur ? On voit qu'il a été taillé sur mesure dans de belles étoffes... Ça va chercher dans les combien un costume comme le vôtre ? Une paie d'ouvriers ? Deux paies ? Trois paies ?

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    — Vous auriez préféré que je vienne à vous déguisé ? Pour faire croire que je suis des vôtres ? Comme vous vous en doutez, je ne connais que très peu votre monde... et j'ai préféré venir à vous tel que je suis dans la vie de tous les jours pour que, si vous me choisissiez, vous sachiez exactement pour qui vous allez voter...

    — Fallait pas vous donner tant de mal, m'sieur, car y'a aucune chance qu'on vote pour vous ! On va pas voter pour quelqu'un qu'en a rien à faire de nos problèmes et qui roule pour le grand patronat !

    — C'est vrai que je suis pour la libéralisation du travail et que je suis pour une fonction au mérite ! Mais nous avons un point commun : je suis non seulement pour la moralisation de la politique mais aussi pour celle des finances. Je suis autant scandalisé que vous quand un PDG touche des millions de simflouzes pour avoir licencié dans une entreprise qui fait des bénéfices ! Je suis contre les parachutes dorés ! Je m'opposerai de toutes mes forces à ces pratiques honteuses et m'efforcerai de lutter également contre les délocalisations ! Voilà les seules promesses que je puisse vous faire...

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    — Des promesses, toujours des promesses, encore des promesses ! Quand on sait qu'elles n'engagent que ceux qui y croient, hein !

    — Je ne pourrais tenir les miennes que si vous prenez le risque de me faire confiance. Je sais que c'est beaucoup vous demander. Aussi, je vous laisse ces brochures pour vous aider à vous décider et je vous donne rendez-vous dans quelques semaines aux urnes ! Jusque là, laissez-moi juste le temps de vous prouver que je vaux mieux que l'opinion que vous avez de moi...»

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    Ils ne repartirent qu'après que le dernier ouvrier eut rejoint son poste de travail et regagnèrent le bureau de campagne dans la voiture louée par Georges.

    Corentin invita Garance à le suivre dans le bureau de Didier Savalani... qui ne s'y trouvait pas. La jeune femme jeta à son patron un coup d'œil interrogateur.

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    «C'est votre nouveau bureau, répondit Corentin à la question muette de la jeune femme. Je vous nomme directrice de cabinet à la place de Didier.

    — Mais pourquoi ? S'exclama Garance, presque choquée par cette annonce.

    — J'ai renvoyé Didier hier, je ne pouvais plus lui faire confiance. Vous savez, ce n'est pas moi qui vous ai balancée auprès de Stéphan. Aussi, quand vous m'en avez accusé l'autre jour, j'ai mené ma petite enquête pour savoir qui nous avait trahi. Didier n'a pas accepté le fait que je vous engage dans notre équipe et il a saisi la première occasion pour vous nuire.

    — Je... Je ne sais que dire, bafouilla Garance, atterrée.

    — Acceptez seulement  cette promotion !

    — Dois-je en conclure que cette petite visite matinale ne vous a pas découragé de me confier vos intérêts ?

    — Vous aviez raison. Je dois sortir de ma zone de confort et chercher à rallier des personnes qui ne sont pas forcément de mon bord.

    — Je suis heureuse de vous l'entendre dire... De mon côté, j'aimerais vous présenter mes excuses pour vous avoir si injustement soupçonné.

    — N'en parlons plus, enjoignit-il, conciliant. J'aurais réagi de même si les rôles avaient été inversés !

    — Merci. Mais pour en revenir à Didier, vous n'avez pas peur qu'il cherche à se venger ?

    — Et comment le pourrait-il ? Je n'ai rien à cacher...»

    Garance aurait bien aimé ressentir le même optimisme que son patron... Mais elle n'eut pas le temps de s'appesantir sur son pressentiment qu'il la poussait doucement vers le couloir.

    [GEMD] Chapitre cinq : "I'm singing in the rain. Just singing in the rain"

    «Venez ! Je vais vous présenter à votre successeur... »

    Intriguée, Garance le suivit docilement. Elle sursauta quand la porte s'ouvrit sur une de ses toutes récentes conquêtes.

    [GEMD] Chapitre cinq : "I'm singing in the rain. Just singing in the rain"

    « Garance, permettez-moi de vous présenter Fabio Plènozas-Fyres ! Fabio, je v...

    — On se connaît ! Le coupa joyeusement le jeune homme. Garance et moi fréquentons la même boîte de nuit !»

    Et sous le regard effaré de la jeune femme et celui interloqué de leur patron, Fabio s'approcha d'elle pour l'embrasser comme s'ils étaient de vieilles connaissances... de très, très vieilles connaissances...

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    CHAPITRE 4 ι CHAPITRE 6

     


    *VP (Vrais Patriotes ): parti d'extrême droite, nationaliste, populiste, protectionniste et souverainiste, opposé aux étrangers. Surnommés par dérision les VrP par leurs opposants.

    ** MR (Mouvement républicain) : parti politique libéral-conservateur classé à droite

    *** DemPo (Démocrates populaires) : parti de centre droit créé par Corentin de Neuville

    **** ACE (Alternative citoyenne et écologique) : parti écologiste et de gauche dont les trois piliers sont le socialisme , l'écologie et l'autogestion


    Pour l'affiche, j'ai utilisé dans le rôle du chef de file des VrP le Donald Trump de @orangestripedcat et dans celui du chef de file des MR Angelo Silverman de @Wasabi9191

    J'ai également utilisé Abandoned Factory de @SimscraftYT pour l'usine

    Et last but not least  le beau Fabio Plènozas-Fyres de @lalia181211 ! Je sais, il n'aurait dû faire qu'une seule apparition dans mon histoire, mais que voulez-vous, j'ai craqué... ;)

    EDIT : Où avais-je la tête ? J'ai complètement oublié de créditer @PrincesseSey pour avoir utilisé son Liam pour la couv du Lama Libre. Vous pouvez d'ailleurs suivre ses aventures sur le forum officiel...

     


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  • [GEMD] Chapitre quatre : "Gardez vos amis près de vous, mais gardez vos ennemis encore plus près"

    La recherche d'un nouvel emploi s'était avérée plus difficile, voire plus décevante, qu'elle ne s'y attendait. Soit on lui proposait des postes en-deçà de ses prétentions ou de ses diplômes, soit elle avait démissionné très vite en se rendant compte que la politique lui manquait terriblement et qu'elle ne pourrait jamais s'épanouir ailleurs que dans cet univers aussi vital pour elle que l'air que l'on respire. En attendant, elle s'adonnait à des activités alternatives comme le bénévolat pour garder un lien avec la vie sociale. Les semaines s'étaient enchaînées depuis sa prise de bec avec Corentin de Neuville et ses journées se déroulaient toutes presque de la même manière : petit-déjeuner copieux tout en consultant sur son téléphone les offres d'emploi, postulance pour un emploi susceptible de lui convenir (ce qui lui arrivait de plus en plus rarement), séance de sport Au Septième ciel ou jogging dans son quartier quand le temps le permettait, douche rapide chez elle, puis visite aux petits vieux de l'hospice où elle officiait bénévolement ou bien aide aux devoirs dans la MJC d'un quartier défavorisé.

    [GEMD] Chapitre quatre : "Gardez vos amis près de vous, mais gardez vos ennemis encore plus près"

    Ce jour-là, Garance se séchait dans sa salle de bains quand elle entendit retentir la sonnette de l'entrée. Un instant, folle de joie, elle crut que Hamal était enfin de retour mais elle se fit la réflexion qu'il n'avait pas besoin de sonner pour entrer. Elle se prit donc à espérer que Stéphan Fogel avait changé d'avis et qu'il venait en personne la supplier de réintégrer son équipe. Resserrant les pans de son peignoir, elle alla entrebâiller la porte.

    « Je vous dérange ? » Lui demandait un Corentin de Neuville arborant un sourire presque piteux.

    [GEMD] Chapitre quatre : "Gardez vos amis près de vous, mais gardez vos ennemis encore plus près"

    Garance, affolée, lui referma la porte au nez avant de la rouvrir presque dans la foulée.

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    « Un instant, je vous prie !»

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    Elle referma à nouveau le battant et s'y adossa, pantelante. Que faisait-il ici ? Et comment avait-il eu son adresse ? Stéphan bien sûr, l'infâme traître... Puis, une sorte de frénésie s'empara d'elle et elle fit disparaître en un tournemain ses baskets et son sac de sport derrière le canapé, déposa dans l'évier de la cuisine le plateau du petit-déjeuner, posa un regard scrutateur autour d'elle pour vérifier que le plus gros du désordre avait disparu. Enfin, inspirant profondément pour calmer son affolement, elle fit entrer Neuville.

    [GEMD] Chapitre quatre : "Gardez vos amis près de vous, mais gardez vos ennemis encore plus près"

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    « J'arrive à un mauvais moment, on dirait, fit observer son visiteur impromptu en désignant sa tenue.
    — Je vous en prie, installez-vous dans le salon le temps que je me change », l'invita-t-elle en lui indiquant le chemin sans oser le regarder dans les yeux.

    C'était la première fois qu'ils se revoyaient depuis leur altercation et elle se rappelait parfaitement l'injonction qu'il lui avait adressé de ne reparaître devant lui que pour lui présenter ses excuses. Or, elle n'avait fait aucune démarche en ce sens. 

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     [GEMD] Chapitre quatre : "Gardez vos amis près de vous, mais gardez vos ennemis encore plus près"

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    Corentin, qui attendait debout dans le salon, se mit à observer la pièce, ouverte sur la cuisine. Apparemment, Garance aimait mélanger les couleurs. Rose, bleu, vert, violet. Elle qui ne portait que du gris ou du noir, voilà qui était étonnant. Un chat, peu farouche, vint se frotter contre ses jambes, miaula pour quémander des caresses. En se penchant pour le caresser, il avisa sur le tapis le magazine Nouba du mois de mars, ouvert sur un article lui étant consacré et ne le présentant pas sous son meilleur jour. Il posait, dans un smoking impeccable, en compagnie d'une ravissante créature pendue à son bras, l'air éperdu d'adoration... Ainsi, Garance continuait à se tenir informée de son actualité mondaine, à défaut de son activité politique ? Il en éprouva du trouble mêlé de gêne, accentué par la sensation de s'être momentanément glissé dans la peau d'un voyeur. Heureusement, Garance réapparut, mettant fin à son malaise. La simplicité de sa tenue – jeans, t-shirt, gilet – la rajeunissait et la faisait paraître moins redoutable qu'à l'ordinaire, d'autant plus qu'elle avançait pieds nus. Repris sans savoir pourquoi par sa gêne, Corentin, après avoir avisé deux cadres accrochés au mur, s'en approcha pour les contempler et faire diversion.

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    « Vous êtes méconnaissable », souffla-t-il enfin sur le ton de la surprise absolue.

    Sur la photo, prise par Hamal, son colocataire, et que lui désignait le jeune politicien, elle apparaissait en tenue chic, sans lunettes et maquillée. Garance rougit violemment en repensant à l'effeuillage sensuel qui avait suivi cette séance de photos.

    « Vous savez, c'était un compliment ! » s'exclama Corentin, se méprenant sur la rougeur de sa figure.

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    La jeune femme balaya cette phrase d'un geste faussement désinvolte de la main, pressée de changer de sujet de conversation. Car Hamal n'était pas seulement le colocataire et le meilleur ami de Garance, il était accessoirement son amant les périodes où tous les deux étaient célibataires. Leur entente était aussi parfaite sur le plan idéologique ou intellectuel que sur le plan sexuel. Mais bizarrement, il ne leur serait jamais venu à l'esprit de se considérer comme un couple malgré les supplications de leurs amis qui ne comprenaient pas pourquoi ils n'officialisaient pas leur liaison. Garance et Hamal étaient trop pris par leur carrière respective pour accepter de s'enfermer dans une relation suivie. Accrochés à leur si précieuse liberté, ils papillonnaient de-ci de-là, avant de finir dans le même lit en période de disette charnelle.

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    Ce fut Garance qui rompit le silence en premier.

    « Puis-je connaître la raison de votre présence ici ? 
    — Garance, je crois que nous sommes partis du mauvais pied, vous et moi, soupira le vicomte de Neuville. Je n'aurais jamais dû vous adresser ces reproches aussi déplacés qu'indélicats. Aussi, je vous présente toutes mes excuses... »

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    Garance se taisait, incrédule. Mais le jeune homme semblait sincère et la dévisageait avec une insistance presque embarrassante. Peut-être était-ce le moment pour elle de lui demander pardon à son tour ? C'était ce que faisaient d'ordinaire les êtres civilisés et adultes. Garance prit une profonde inspiration et se lança avant d'avoir le temps de changer d'avis :

    « Je vous prie d'accepter également mes excuses. Je n'aurais jamais dû vous chanter ce couplet assassin ! Vous savez, je condamne les débordements sanglants qui ont entaché la Révolution...
    — Eh bien, n'en parlons plus ! »

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    Un nouveau silence s'installa que Corentin brisa en toussotant :

    « Bon, puisque nous nous sommes pardonnés, pourquoi ne viendriez-vous pas travailler pour moi comme il avait été convenu ? 
    — Vous... vous plaisantez ?
    — J'ai bien peur que non et je vous assure que mon offre est très sérieuse ! »

    Ce que Corentin lui cachait, c'est qu'il avait subi plusieurs défections et que seuls lui restaient les plus fidèles d'entre les fidèles, c'est-à-dire ceux qui pesaient le moins dans le champ médiatico-politique. La désertion qui l'avait le plus touché était celle de l'homme qui avait été longtemps son mentor et qu'il servait actuellement comme premier adjoint à la mairie du IIIè arrondissement, le quartier Chic de San Myshuno. Samuel Feng s'était présenté à son bureau de campagne le matin même avec son air des mauvais jours.

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    « J'ai une mauvaise nouvelle à t'annoncer Corentin, je quitte le navire... avant de provoquer moi-même son naufrage !
    — Comment ça ?
    — Le chef de file du MR* a des dossiers sur moi et menace de les laisser fuiter dans la presse si je ne rejoins pas ses rangs, et crois-moi, tu préférerais que je ne sois plus chez toi quand ce jour arrivera ! Je suis désolé, vraiment. De toutes façons, au vu de ton programme, de ta volonté revendiquée de moraliser la vie politique, j'aurais fini par être une gêne pour toi car tu connais mes méthodes, n'est-ce pas ? Et puis, crois-moi, je te serai plus utile chez l'ennemi. Tu sais que je n'aime pas que l'on me menace et le sale mec le comprendra vite à ses dépens... »

    Samuel Feng l'avait quitté sur ces paroles sibyllines . Alors que Corentin croyait le parti historique de la droite moribond, celui-ci avait trouvé les ressorts pour siphonner ses meilleurs soutiens. Il était désormais suffisamment désespéré pour se tourner vers Garance Dunoyer.

    Garance, de son côté, était aux prises avec sa conscience, car cette offre d'emploi était de loin l'offre la plus enthousiasmante depuis ces deux dernières semaines mais elle restait cruellement lucide sur l'incompatibilité de leur caractère. Elle ne pouvait logiquement pas accepter l'offre du jeune politicien aussi motivante soit-elle.

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    « Je ne sais pas si c'est une bonne idée, murmura-t-elle comme pour elle-même. Ce n'est pas faute d'avoir essayé mais je ne peux m'empêcher de me sentir sur la défensive à vos côtés comme si...
    — ... comme si j'allais vous contaminer par ma seule présence ? »

    Corentin avait fini la phrase à sa place et Garance lui lança un regard sincèrement navré.

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    « Croyez-moi, votre offre est très tentante mais il faut regarder la réalité en face : nous risquons de nous entre-tuer à un moment ou à un autre, et je n'ai pas envie de finir dans la rubrique des faits divers !
    — Allez-vous exiger de moi que je me mette à genoux pour vous convaincre de me rejoindre ? S'écria-t-il avec détresse.
    — Moi qui croyais que vous ne vous agenouilliez que devant le grand Plumbob ! Tenta de plaisanter Garance qui commençait déjà par regretter sa décision.
    — Je n'ai pas le cœur à persifler, Garance. J'ai vraiment besoin de vous. A vrai dire, je n'ai plus que vous, alors si vous avez absolument besoin que je m'humilie pour accepter ma proposition, je le ferai sans hésiter une seconde !
    — Rassurez-vous, se dépêcha de répondre la jeune femme, je n'aime pas voir les hommes à mes genoux. Je ne les aime que debout, prêts à en découdre... Êtes-vous prêt à en découdre, M. de Neuville ?
    — Pour quelle autre raison serais-je ici ? Assura-t-il, repris par l'espoir.
    — Je n’accepterai que sous certaines conditions...
    — Je vous écoute !
    — Un, vous devrez m'accorder une confiance entière et aveugle. »

    A ces mots, le visage de Corentin se crispa légèrement mais il inclina la tête en signe d'assentiment.

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    « Deux, vous ne remettrez pas en cause mes décisions devant vos collaborateurs. Vous me parlerez de vos désaccords en privé, je vous présenterai mes arguments, et vous finirez par vous y ranger...
    — C'est de la dictature ! Protesta Corentin avec véhémence. Vous croyez vraiment que je vais vous signer un blanc-seing ? Qui me dit que vous ne travaillez pas en sous-main pour mes ennemis politiques après tout ?
    — Vous venez d'oublier le point un de notre accord, fit remarquer Garance dans un sourire.
    — Je n'ai aucune garantie que vous n'abuserez pas de ce pouvoir !
    — Si. Et cette garantie, c'est moi. Je ne vous obligerai jamais à faire quoi que ce soit qui aille à l'encontre de vos convictions les plus profondes. Mais vous vous doutez bien que vous devrez faire quelques compromis, non ? Comme je m'engage à en faire moi-même pour vous aider à gagner ces élections.
    — Vous pensez donc qu'il m'est encore possible de les gagner ? S'exclama presque joyeusement Corentin, soudain ragaillardi.
    — Franchement ? Non. Mais je m'emploierai de toutes mes forces à faire mentir les sondages... »

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    Un silence suivit durant lequel Corentin déambula, les mains dans le dos, réfléchissant intensément. Puis il refit face à Garance :

    « J'aurais aimé être en position de force pour négocier vos conditions mais la vérité est que je n'ai plus vraiment le choix. Je n'ai évidemment aucun doute sur vos compétences mais sur ce qui nous sépare idéologiquement et si profondément. Mais puisque cette première idée de collaboration entre vous et moi vient de Stéphan dont la recommandation devrait me suffire, je remets mon destin politique entre vos mains... Puis-je vous inviter à déjeuner pour sceller notre accord ? »

    Garance lui désigna sa tenue.

    « Ne vous en faites-pas, vous êtes très bien ainsi, je suis moi-même habillé de manière décontractée... »

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    Il ne l’emmènerait donc pas dans le restaurant où il avait invité la belle Sonia Gothik l'autre jour. Garance en fut soulagée. Le taxi les déposa peu après dans le quartier des Épices, à un jet de pierre du local de campagne. Il la précéda galamment en lui tenant la porte du restaurant Le Vieux Sel, puis, suivant le serveur jusqu'à leur table, il l'accompagna d’un geste de main dans le dos, sans la toucher ni la frôler. Cette attitude protectrice et chevaleresque faillit déclencher l'hilarité de Garance, qui se retint de rire in extremis. Après tout, elle ne pouvait lui en vouloir de l’éducation old school qu'il avait certainement reçue d'une famille cuirassée de plusieurs quartiers de noblesse. Elle l'imaginait très bien, enfant, faire le baise-main aux amies de sa mère, engoncé dans son costume du dimanche. De manière prévisible, il lui tira la chaise pour l'aider à s'installer et Garance demeura imperturbable. Pendant qu'il passait la commande, elle observa discrètement les lieux. Elle était sensible à l'ambiance chaleureuse qui se dégageait des boiseries et de tout ce jaune lumineux, alliée à la structure industrielle de cette ancienne pêcherie reconvertie en restaurant.

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    « Alors, vous aimez ? lui demanda Corentin qui avait remarqué ses regards perdus sur la décoration des lieux.
    — Oui, beaucoup ! C'est un endroit à la fois moderne et très chic. Pour être franche, je ne pensais pas me sentir aussi à l'aise dans un restaurant que vous auriez choisi...
    — Et vous n'avez pas encore goûté à leur Homard thermidor. Croyez-moi, c'est une tuerie !»

    Être dans ce restaurant , à cette table, en compagnie d'un homme tel que Neuville, si étranger à ses propres valeurs, lui sembla tout à coup complètement surréaliste ! Elle n'arrivait pas à se comporter avec naturel, aussi se raccrocha-t-elle à ce qu'elle connaissait le mieux et qu'ils avaient en commun : la politique.

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    « S'il vous plaît, ne parlons pas travail durant ce repas, la pria Corentin. Après déjeuner, je vous ferai visiter votre nouveau bureau et nous pourrons aborder tous les sujets politiques que vous voudrez. »

    Par chance, Garance n'eut pas à se préoccuper de leur conversation car Corentin en prit l'initiative, manifestant beaucoup de curiosité pour son invitée. La jeune femme écoutait et observait attentivement le politicien, et le moins qu'on puisse dire, c'est que ses propos étaient beaucoup moins superficiels que ce qu'elle s'était imaginé. Corentin était même d'une compagnie très agréable, sachant s'adapter à son interlocutrice, manifestant une attention sincère pour ses centres d'intérêt.

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    Le déjeuner passa à une vitesse folle. Ils venaient juste de finir le dessert quand Garance se dépêcha de lui poser la question qui la taraudait depuis le début :

    « J'aurais besoin de vous demander un service. Voilà, mon meilleur ami est reporter de guerre et je n'ai plus aucune nouvelle de lui depuis quelques semaines. Je me suis plusieurs fois rendu à son journal mais son employeur est dans la même incertitude que moi. Soit qu'il n'a réellement aucune information, soit qu'il n'a pas le droit de communiquer à ce sujet. Alors, je me demandais si vous aviez la possibilité de votre côté d'obtenir des renseignements fiables ?
    — Comment s'appelle cet ami ?
    — Hamal San-Giacomo.
    — Hamal San-Giacomo ? C'est bizarre, mais ce nom me dit quelque chose...
    — Il a décroché il y a deux ans le prix Simlitzer pour l'ensemble de ses articles sur la révolution al simharienne.
    — Et comment en êtes-vous arrivé à devenir l'amie du lauréat d'un prix aussi prestigieux ?, lui demanda-t-il, une lueur à la fois curieuse et admirative dans le regard.
    — Je l'ai rencontré lorsque nous étions étudiants, lors d'une manifestation contre une loi concernant l'enseignement supérieur. Nous avons sympathisé et, le soir même, je l'avais convaincu d'adhérer à mon syndicat étudiant.
    — Vous êtes incorrigible ! S'esclaffa le politicien. Ainsi, vous avez rallié ce pauvre garçon à votre cause. Vous savez, je serai sûrement beaucoup moins facile à convertir...
    — C'est pourquoi je ne me donnerai pas cette peine, vous allez m'en causer suffisamment pour vous faire remonter dans les sondages... »

    Garance avait parlé sans aucune agressivité et Corentin sourit à sa tentative d'humour.

    « Eh bien, que diriez-vous alors de rejoindre mon local de campagne pour vous mettre immédiatement au travail ? », suggéra-t-il en se levant et en tirant galamment sa chaise.

    Décidément, ces manières chevaleresques d'un autre temps étaient comme une seconde nature chez le vicomte de Neuville et Garance se dit qu'avec un peu de pratique, elle arriverait à s'en accommoder sans lui adresser le sarcasme qui lui brûlait les lèvres...

     

    CHAPITRE 3 ι CHAPITRE 5

    _______________________________________________

    * MR (Mouvement républicain) :  parti politique libéral-conservateur classé à droite.

    _______________________________________________ 

     merci à GGOf19 d'avoir partagé dans la Galerie son restaurant Old Salt et à Nicole pour sa simette Alice !... ;)

    PHOTOS BONUS 


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     Corentin sait se montrer facétieux !! ^^

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    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

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    Garance noyait son dépit dans le nectar. Depuis neuf jours, elle était au chômage et n'avait toujours pas digéré la trahison de son mentor. Tout ça à cause d'un fâcheux petit chant révolutionnaire qui avait eu le malheur de déplaire à Sa Seigneurie le vicomte de Neuville qui s'en était plaint auprès de Stéphan. Et pour ajouter à ses soucis, elle n'avait plus aucune nouvelle de son colocataire, le fameux Hamal San-Giacomo, photographe et grand reporter de guerre parti en mission dans un pays dévasté par la guerre civile. Au-delà de son inquiétude réelle pour Hamal, elle se sentait seule et abandonnée.

    Par conséquent, elle se retrouvait en discothèque en pleine semaine à se trémousser sur la piste de danse comme une étudiante en goguette.

    Elle avait cru que Stéphan reviendrait sur sa décision et qu'il ne l'avait virée que pour la faire céder, mais le temps avait passé sans qu'il ait cherché à reprendre contact avec elle. Elle aurait peut-être dû se douter dès son arrivée dans le local de campagne que les choses s'engageaient mal. Car, Corentin de Neuville, bien qu'il ait lui-même fixé l'heure de leur rendez-vous, avait eu l'indécence de se présenter en retard. Au moins une heure et demi !

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    L'irritation de Garance n'avait cessé de croître au rythme des minutes qui s'égrenaient. Elle regardait sa montre pour la centième fois au moins quand l'entrée d'un homme la fit se dresser tel un diable sorti de sa boîte, mais ça n'était pas Corentin de Neuville.

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    «Bonjour Sabrina ! S'exclama avec gaieté le nouvel arrivant. Qu'y-a-t-il sur l'agenda de Corentin aujourd'hui ?
    — Cette jeune femme affirme avoir rendez-vous avec M. de Neuville, chuchota la secrétaire en pointant discrètement du menton une Garance renfrognée et rencognée dans son fauteuil, mais je ne vois pas son nom sur le planning.
    — Ah ? Je m'en occupe...»

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    Le jeune homme, qui ne devait pas avoir plus de trente ans, s'assit sans façon sur le deuxième fauteuil.

    « Bonjour, madame, je m'appelle Didier Savalani, je suis le directeur de cabinet et attaché politique du candidat de Neuville. Puis-je vous être utile ?
    — Mon nom est Garance Dunoyer et j'ai rendez-vous avec le candidat dans le but d'intégrer votre équipe...
    — Attendez, attendez... vous venez bien de me dire que vous êtes Garance Dunoyer, c'est ça ? LA Garance Dunoyer ?
    — Elle-même, confirma la jeune femme en pinçant les lèvres, légèrement agacée.
    — Et Corentin veut vous engager dans notre équipe ? Vous ? Garance Dunoyer ? LA Garance Dunoyer ?
    — Répétez mon nom autant de fois que vous le voudrez, cela ne changera rien au fait que votre candidat envisage de m'engager, moi, Garance Dunoyer, LA Garance Dunoyer, dans votre équipe !
    — Je vous prie de m'excuser si mon insistance vous a blessée mais comprenez ma surprise ! Vous et Corentin n'êtes pas à proprement parlé du même bord politique, loin s'en faut...
    — Justement, j'aurai un regard totalement critique. Peut-être M. de Neuville a-t-il décidé de cesser de se complaire dans les soutiens entendus et hypocrites de ses amis ou collègues qui ne le font apparemment guère avancer ?»

    Didier Savalani manqua s'étouffer à ces paroles mâchées sans détour.

    «Eh bien, votre réputation de franchise n'est pas usurpée ! Je ne savais pas que mon patron avait des prédispositions masochistes, mais après tout, libre à lui ! J'aurais bien continué cette conversation passionnante avec vous mais j'ai des coups de fil urgent à passer ! Sabrina, se tourna-t-il ensuite vers la secrétaire, occupez-vous donc de madame Dunoyer, je vous prie !»

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    Pendant près de trois autres quarts d'heure, Garance demeura assise à lire les magazines en buvant du café. Ce qui n'aidait pas à apaiser sa colère grandissante. Elle avait eu tort de se laisser manipuler par Stéphan. En y songeant, personne ne pourrait lui reprocher d'avoir attendu une heure et demi puis d'être repartie sans avoir rencontré le retardataire. Corentin de Neuville venait de bêtement perdre l'avantage de sa manœuvre habile de la veille car Garance pouvait désormais se désister sans endosser la responsabilité de cet échec. Malheureusement, elle avait trop tardé à prendre cette décision, car, au moment où elle se levait pour s'en aller, la porte s'ouvrit, et cette fois, l'homme qui entrait était bien Neuville. Le politicien était toujours vêtu du smoking de la veille mais il avait perdu son nœud papillon en chemin. Apparemment, il avait passé la nuit en galante compagnie et ne s'était extrait des bras de sa maîtresse qu'avec la plus grande difficulté.

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     Aussitôt qu'il l'aperçut, Corentin se précipita vers elle avant de se confondre en plates excuses :

    «Bonjour, Garance ! Je suis absolument navré de vous avoir fait attendre mais j'étais en réunion de dernière minute avec un homme d'affaires de ma ville natale et je ne pouvais me soustraire à cette obligation. En tout cas, vous avez l'air plus en forme que moi !»

    «Un homme d'affaires ? Mais bien sûr, pensa Garance, plus énervée que jamais, plutôt une femme d'affaires, non ?»

    «J'ai absolument besoin d'un café, puis-je vous en offrir un ?
    — Surtout pas ! J'ai sûrement bu l'équivalent d'une cafetière en vous attendant et je ne voudrais pas être plus énervée que je ne le suis déjà !
    — Sabrina, s'adressa-t-il à la femme de l'accueil en ignorant délibérément le sous-entendu de son invitée, seriez-vous la plus adorable des secrétaires en m'apportant une grande tasse de café dans mon bureau pendant que je m'entretiendrai avec madame Dunoyer? Surtout, bien serré le café...»

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    Garance le suivit dans son antre où le politicien se laissa lourdement tomber dans un grand fauteuil en cuir qui crissa à son contact. La jeune femme s'assit en silence en face de lui, déterminée à ne pas lui faciliter les choses. L'aristocrate se mit à l'observer avec une certaine perplexité, le bout des doigts joints, de grands cernes ombrant son regard aigue-marine et rendant son expression presque vulnérable. Garance, de son côté, jetait de furtifs coups d’œil autour d'elle, curieuse de découvrir l'environnement où évoluait le vicomte de Neuville. Luxueux était le premier mot qui venait à l'esprit. Murs et sols étaient recouverts de matériaux nobles et fastueux, ainsi que de riches œuvres d'art. Garance ne se sentait guère à sa place dans cet endroit trop opulent.

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    «Vous me méprisez, n'est-ce pas ?» Demanda doucement Corentin qui s'était finalement décidé à briser le silence en se penchant en avant.

    Garance sursauta.

    «Pardon ?
    — Vous êtes là à me dévisager de votre air si réprobateur... En outre, Stéphan m'a confié que la perspective de travailler pour moi vous rebutait franchement!»

    «Le traître !» fulmina Garance en pensée.

    «Vous ne me ferez pas accroire que vous, de votre côté, rêvez de vous attacher mes services... Si ?»

    Les yeux aigue-marine brillèrent d'une lueur goguenarde.

    «Il paraît que vous opérez de véritables miracles ! Serait-ce avisé de la part d'un moribond de rejeter le dernier secours de la dernière chance ?
    — Il y avait pourtant beaucoup de médecins et d'infirmières à votre chevet hier soir... et qui buvaient littéralement vos paroles, comme la plus douce des médicamentations...
    — Ah oui, le discours... soupira Corentin, brutalement ramené aux choses qui fâchent. Peut-être souhaitez-vous que l'on crève l’abcès tout de suite, avant d'en venir aux modalités de votre embauche ?
    — Je préférerais, oui. D'ailleurs, si j'en crois votre discours, la sauvegarde du pays viendrait du centre, attaqua-t-elle d'entrée de jeu. Vous voulez rassembler l'ensemble de nos concitoyens derrière vous, or, je n'ai entendu que des mesures pour des sympathisants de droite... Comment voulez-vous attirer les partisans de la gauche sans propositions de gauche ?»

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    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

    Corentin s'apprêtait à répondre quand la sonnerie de son téléphone le coupa dans son élan. Il décrocha, l'air contrarié, sans la quitter du regard, avant de se détendre d'un sourire en reconnaissant la voix.

    « Oh, c'est toi, Sonia ! Je suis parti sans oser te réveiller », continua-t-il en tournant le dos à Garance et en s'éloignant un peu. Il baissa encore la voix.

    « Tu étais tellement belle dans le sommeil !... Quoi ? Mon nœud papillon ?... »

    Neuville toucha mécaniquement le col de sa chemise.

    « Diantre, c'est ma foi vrai... fit-il en riant. Et tu l'as retrouvé autour de ton poignet ?... Oui, moi aussi, j'ai hâte de te retrouver. D'ailleurs, j'aurais un service à te demander. Je n'ai pas eu le temps de repasser chez moi pour me changer, est-ce que tu pourrais te rendre à mon appartement demander à ma gouvernante l'un de mes costumes et me le ramener à mon bureau ? Pour te récompenser, je t'inviterai dans le restaurant de ton choix... »

    Cet échange irritait Garance qui se rendait compte que sa première impression à son sujet avait été la bonne : le candidat manquait cruellement de sérieux et il lui faudrait bien plus qu'un miracle pour remonter sa cote de popularité.
    Enfin, après plusieurs minutes de babillage insipide, Corentin raccrocha, et, subitement redevenu grave, reprit leur conversation là où elle avait été interrompue.

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    Garance aurait pourtant parié qu'il aurait cherché à se dérober à ses explications mais il aborda avec elle l'ensemble de son programme que la jeune femme prit un malin plaisir à détricoter point par point. Enfin, à un moment, excédé, Corentin ne put s'empêcher de s'exclamer :

    « Mais enfin, vous voulez me gauchiser ou quoi ?
    — Oh, tout de suite, le gros mot...
    — Vous êtes impossible ! Vous me reprochez de camper sur mes positions mais vous-même n'acceptez aucun compromis.
    — Il y a certaine concession qui serait trop douloureuse pour moi et totalement inenvisageable. Vous savez, aucune civilisation n'a duré quand elle acceptait la fracture sociale des exclus.
    — Je ne peux vider mon programme de toute sa substance sans voir mes plus fidèles soutiens se détourner de moi... Ce ne sont pas les militants de gauche qui vont me faire gagner les élections, restons lucides !
    — Eh bien, justement si, ce sont ces électeurs de gauche qui feront pencher la balance en votre faveur. Or, ces électeurs, il va falloir aller les chercher ! Avez-vous tellement besoin de flatter la frange plumbobienne de vos électeurs, qui constitue finalement une minorité ? Et une minorité empoisonnante, toujours réfractaire à tout progrès sociétal ? Franchement, comment peut-on encore croire de nos jours qu'un plumbob vert, qui change de couleur au gré de nos émotions, surplombe la tête de chaque sim et de chaque simette ? En-voyez-vous un au-dessus de la mienne, hum ?
    — Oui, j'en vois un en ce moment même et il est rouge flamboyant... »

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    Un silence s'installa. Corentin se leva pesamment de son fauteuil pour se diriger vers la fenêtre. Involontairement, elle le suivit des yeux, observa la ligne athlétique de ses épaules que la fatigue voûtait sans rien lui enlever de sa prestance. Quand il se retourna vers elle, Garance détourna vivement les yeux, comme prise en faute.

    « Vous savez pourquoi vos amis politiques se sont détournés de vous ? Parce que vous êtes une idéaliste et une idéaliste jusqu'au-boutiste... Connaissez-vous la phrase de cet essayiste du XIXe siècle? « Celui qui n'est pas simmuniste à vingt ans n'a pas de cœur; celui qui l'est encore à quarante ans n'a pas de tête » ?
    — Par chance, il me reste encore douze années avant de perdre toute ma tête. Mettons-les donc à profit !»

    Corentin de Neuville sourit avec une coupable indulgence à cette saillie. Puis il reprit son poste d'observation à la fenêtre, comme fasciné par le spectacle de la rue. Il faut dire que son local de campagne était situé dans le quartier des Epices, toujours très animé et fréquenté et qu'il offrait une vue imprenable sur les docks que le pont des Ramages reliait au quartier de la Mode.

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

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    « Cela va sûrement vous surprendre, Garance, reprit le jeune politicien sans quitter sa fenêtre, mais nous avons un point commun : nous avons tous les deux déçu les espérances que nos parents plaçaient en nous !
    — Ah bon ? Vous avez cessé d'aller à la messe ? A moins que ça ne soit à confesse ?
    — Seulement à confesse, répliqua Corentin en souriant. Mes parents sont des royalistes et n'ont jamais compris mon engagement dans des partis républicains traditionnels. Ma mère continue à espérer que la monarchie sera restaurée ! Finalement, à la réflexion, vous avez plus de points communs avec ma mère qu'avec moi. A part que vos avis divergent sur le régime à mettre en place : la royauté pour ma mère, la dictature du prolétariat pour vous !
    — C'est à mon tour de vous surprendre mais je n'espère pas la dictature du prolétariat. Par contre, je serai toujours du côté du peuple, contre ses ennemis, quel que soit le visage qu'ils présentent. Et vous qu'espérez-vous ?
    — Ce que j'espère ? Y-a-t-il seulement encore une once d'espoir dans ce monde corrompu ? Eh bien justement, je souhaiterais par-dessus tout être l'homme qui s'est attaqué à la moralisation de la politique et des finances... mais plus que tout, j'aimerais être celui qui a réussi ce vaste chantier ! »

    Garance ne s'attendait pas à cette réponse. A vrai dire, elle ne s'attendait à aucune en particulier mais celle-ci l'horripila plus qu'aucune autre car elle n'y croyait pas.

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

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    « Cela vous va bien de fustiger les scandales politico-financiers des autres partis mais expliquez-moi en quoi vos scandales de play-boy sont moins dommageables ?
    — Peut-être parce qu'ils ne coûtent rien au peuple et ne remettent pas en question la sincérité de mon engagement ? Peut-être parce que cet aspect ne relève que de ma vie privée mais que je ne suis pas assez hypocrite pour offrir à mes électeurs la façade respectable du mariage tout en trompant ma femme ? Peut-être parce que je n'ai pas de leçon à recevoir d'une psychorigide mal fagotée telle que vous ?
    — Moi, je suis mal fagotée ? Moi, je suis psychorigide ? » suffoqua presque Garance, surprise par cette attaque très basse dont elle ne l'aurait pas cru capable malgré la mauvaise opinion qu'elle avait de lui.

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

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     Ce fut à partir de ce moment que leur entrevue dérapa méchamment. Jusqu'ici, ils avaient réussi à entourer leurs propos d'une apparence de civilité, malgré le fossé idéologique qui les séparait, mais le vernis craqua alors que le ton badin de leur discussion ne laissait présager une telle issue... Garance, que les mots de Neuville avait blessée plus profondément qu'elle ne s'y attendait, oublia sa stratégie de prudence, perdit son sang-froid. A vrai dire, Corentin n'avait pas voulu se montrer aussi discourtois et désagréable envers la jeune femme dont il commençait à apprécier l'esprit vif et incisif, mais son attaque sur sa vie privée l'avait déçu au-delà des mots. Il n'avait pu supporter qu'elle le renvoie à son apparence et à son mode de vie débridé, comme s'il ne se résumait qu'à ça, comme s'il n'avait que son physique avantageux pour lui, comme si elle le croyait tout à fait incapable de constance et de sérieux dans son travail, comme si elle lui déniait toute profondeur dans sa réflexion politique... Alors, il avait stupidement voulu la faire sentir aussi minable que l'image qu'elle venait de lui renvoyer de lui-même. Mais ce faisant , il avait comme qui dirait déchaîné les enfers ! Car Garance lâchait maintenant tout ce qu'elle avait sur le cœur et le jeune politicien se sentait impuissant à museler ce déversement de hargne. Il finit par se dire que le comportement de la jeune femme le confortait dans les pires craintes qu'il avait eues à son sujet : Garance était bien l'arrogante petite fonctionnaire sectaire et nihiliste qu'il avait soupçonnée. Sa mère, la vicomtesse douairière, l'aurait même qualifiée d' « infâme adoratrice de Robespierre » ! Ce qu'il eut le malheur de lui dire. Enfin, à un  nouveau dérapage de Garance, Corentin explosa, le doigt pointé vers la porte :

    « Sortez immédiatement de mon bureau madame la... madame la sans-culotte* ! Et ne revenez que lorsque vous serez prête à me présenter vos excuses ! »

    Garance recula vers la porte ainsi désignée, tout en chantonnant de plus en plus fort dans un dernier geste de défi :

    « Ah ça ira ça ira ça ira ! Les aristocrates à la lanterne... Ah ça ira ça ira ça ira ! Les aristocrates, on les pendra !
    — DEHORS ! »

     

     

    Voici donc pourquoi Garance se retrouvait en pleine semaine en boîte de nuit à noyer son chagrin dans le nectar. Alors qu'elle commandait un énième Avornalino Douce Ombre, un jeune homme s'assit à côté d'elle et lui parla :

    « Puis-je vous offrir ce verre, mademoiselle ? »

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr" 

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

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    Garance fixa sur l'inconnu un regard dubitatif. L'homme était plutôt pas mal de sa personne, malgré cet insupportable air de conquérant à qui rien ne résiste, mais ses yeux couleur menthe à l'eau vous perçaient jusqu'à l'âme, et Garance avait assez envie de jouer avec un homme, ce soir.

    « D'ordinaire, je n'accepte pas de verre venant d'inconnu...
    — Eh bien, je m'appelle Fabio, comme cela je ne suis plus tout fait un inconnu !
    — Et moi on m'appelle Garance. Vous savez, c'est le nom d'une fleur...
    — Et c'est également le nom de l'inoubliable personnage des Enfants du paradis... 
    — Tiens donc, vous savez cela ? Je suis impressionnée ! Vraiment.
    — Mais j'espère vous impressionner davantage encore !
    — Comment comptez-vous vous y prendre ? Un conseil : oubliez le baratin !
    — C'est bien dommage, car c'est d'ordinaire ma meilleure arme pour séduire les demoiselles ! Bon, alors, puis-je me montrer franc, quitte à compromettre toutes mes chances ?
    — Là, vous m'inquiétez ! »

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

    Il se pencha vers elle pour lui murmurer dans le creux de l'oreille :

    « En vérité, je vous ai vu danser sur la piste...
    — Et ?
    — Et vous sembliez tellement habitée par la musique, tellement en osmose avec elle, que vos mouvements en devenaient fascinants... Comme la promesse d'une belle nuit d'amour...
    — Que voulez-vous ? Mon corps n'est qu'un immense orgasme musical », lui répondit Garance du tac-au-tac.

    L'inconnu, qui ne l'était plus tout à fait maintenant, avala de travers, complètement déstabilisé par la réponse de la jeune femme. Celle-ci le regardait, un sourire moqueur aux lèvres. Il ne savait comment interpréter sa réponse. Etait-ce une invitation à aller plus loin ? Ou au contraire une manière un peu spéciale de le remettre à sa place ? Il préféra opter pour la première solution et tenta grossièrement sa chance :

    « Chez toi ou chez moi ?
    — Chez toi... »

     

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

    [GEMD] Chapitre trois : "La République nous appelle. Sachons vaincre ou sachons périr"

      

    CHAPITRE 2 ι CHAPITRE 4

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    * sans-culotte : Nom que se donnaient les républicains les plus ardents, sous la Révolution française.

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    PS : merci à @lalia181211 d'avoir partagé dans la Galerie son beau Fabio Plènozas-Fyres !... ;)


    12 commentaires
  • [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    D'un air dubitatif, Garance passa en revue le contenu de son armoire, constituée en majorité de tailleurs gris ou noirs, que Stephan lui avait formellement interdit de porter pour la soirée. Totalement dévouée à sa carrière, la jeune fille sortait en effet peu, dédaignant les mondanités, voire les sorties entre amis. En outre, elle se préoccupait fort peu de son apparence, s'habillant de vêtements simples lors de ses rares moments de détente. Elle avait bien acheté cette magnifique robe de soirée violette à l'occasion du mariage d'une amie mais elle répugnait à la porter pour se rendre à ce maudit cocktail. Désespérée et résignée, elle s'apprêtait à déballer finalement ladite robe quand elle se rappela in extremis que la dernière conquête de son colocataire avait oublié après leur rupture une robe qui ferait parfaitement l'affaire. 

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    Soulagée, elle se rendit dans la salle de bain, ferma le robinet de la baignoire avant de se plonger avec délice dans l'eau chaude parfumée au jasmin. Elle posa sa tête sur le rebord de la baignoire, ferma les yeux pour mieux savourer ce moment de détente. Malheureusement, ses pensées la ramenèrent vers Corentin de Neuville que les rumeurs dépeignaient comme un homme à femmes parfaitement indigne de prétendre à un siège de député, rendant le projet de Stéphan inconcevable. Elle savait bien que sa vie privée ne devait pas être confondue avec sa capacité à mener à bien son programme politique mais le jeune aristocrate semblait prendre un malin plaisir à poser pour les photographes avec à son bras une beauté différente à chaque fois. Comment dans ses conditions lui accorder sa confiance ? Etait-il aussi sérieux dans son travail que Stephan le prétendait ? Elle n'ignorait pourtant pas l'importance de fréquenter ce genre de cocktails où se nouaient les alliances et se créaient les réseaux indispensables à toute ascension professionnelle. 

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    Séducteur, hâbleur, charmeur, narcissique, Corentin de Neuville était à coup sûr l'un des hommes politiques les plus atypiques et les plus médiatiques de sa génération, n'ayant pas son pareil pour attirer les médias, que ce soit pour ses photos dignes d'un jet-setteur, ses coups de gueule, ses petites phrases assassines, mais aussi ses idylles aussi nombreuses qu'éphémères. Garance était sur le point de téléphoner à son mentor pour se décommander quand celui-ci frappa à sa porte. De sa chambre, elle lui cria d'entrer, enfila aussi vite que possible sa robe d'emprunt sur sa peau à peine sèche, chercha fébrilement une paire d'escarpins qui ne déparerait pas, et, au bord de la crise de nerfs, renonça à se coiffer ou à se maquiller avec soin pour ne pas faire attendre Stéphan plus avant. 

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    Jetant un dernier regard à sa glace, elle prit son sac, éteignit la lumière.

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    Le taxi s'arrêta devant une impressionnante demeure bâtie en vieille pierre de couleur sombre et à l'architecture gothique dont la silhouette massive, lugubre et inquiétante donnait l'impression d'approcher un asile d'aliénés plutôt qu'une demeure familiale.

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    «Grand Plumbob !, s'exclama Garance, saisie par l'aspect sinistre de la villa, on dirait un manoir tout droit sorti de la Hammer Film Productions ! J'espère que notre fin sera plus heureuse que celle de la Dame en Noir...
    — D'autant qu'ici, il s'agit du manoir de la dame en rouge ! Enfin, tu verras», se borna à expliquer Stéphan suite au haussement de sourcils de sa protégée.

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    «Hé bien, la famille Gothik n'est pas dans le besoin, continua la jeune femme à l'oreille de Stéphan tandis qu'ils gravissaient les marches du perron et qu'elle se sentait écrasée par la splendeur des lieux.
    — Vladimir Gothik est mort il y a quelques mois laissant à sa jeune veuve une immense fortune, ainsi que cet imposant manoir.»

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    On les introduisit dans une grande entrée dallée de marbre. Corentin de Neuville se tenait aux côtés de son hôtesse au pied d'une large arche, qui devait donner accès à la salle de réception. Sa haute silhouette dominait tout le monde, y compris les hommes. En guise d'accueil, il distribuait avec un naturel nonchalant poignées de mains et sourires éblouissants, qui s'élargissaient dès qu'il s'adressait à une femme. Garance, piétinant dans la file d'invités, s'agaçait du succès qu'il recueillait auprès de la gent féminine. Allons donc ! Il suffisait d'une belle gueule alliée à un corps athlétique et bien découplé pour provoquer tout cet engouement ? Certes, il avait fier allure dans son smoking noir agrémenté d'un nœud papillon du même ton, et sa lourde chevalière captait insolemment les lumières des appliques dès qu'il bougeait la main, mais cette enveloppe frivole avait donc plus de poids que les idées ? D'ailleurs, Garance avait hâte d'entendre son discours – sûrement écrit par un assistant – qui révélerait son imposture et son incompétence, permettant à la jeune femme de décliner la proposition de Stéphan de travailler pour lui.

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    Enfin, leur tour d'être présentés arriva.

    «Bonsoir, Sonia, commença Stéphan, permettez-moi de vous présenter Garance Dunoyer, qui devrait bientôt intégrer l'équipe de campagne de notre ami. Garance, voici notre hôtesse, Sonia Gothik.»

    Ladite Sonia était une ensorcelante brune sophistiquée à côté de laquelle toute autre femme devait se sentir gauche et insignifiante. Si madame Gothik se borna à lui décocher un sourire condescendant, l'accueil fut plus chaleureux de la part du politicien.

    «Stephan m'a beaucoup parlé de vous mais il m'avait caché combien vous étiez charmante !
    — Ne vous fatiguez pas pour moi avec vos compliments surfaits et éculés, j'y suis peu sensible, surtout quand ils viennent d'hommes tels que vous ! Laissa fuser Garance, vexée d'être assimilée au troupeau de femelles bêlantes et énamourées qui l'avait précédée.
    — Tels que moi, c'est-à-dire ? Aussi beaux ? Aussi irrésistibles ?
    — Aussi arrogants ? Suggéra Garance sans se laisser impressionner par le ton sarcastique du jeune politicien.
    — J'avoue, je suis tout cela à la fois, reconnut l'aristocrate de bonne grâce.»

    Ce faisant, deux fossettes creusèrent irrésistiblement ses joues , attirant sur elles le regard de la jeune femme, dont les yeux ne purent s'empêcher de descendre plus bas, vers la bouche sensuelle qui s'étirait en un pli légèrement sardonique. D'autres invités attendant derrière eux, Corentin de Neuville ajouta adroitement :

    «Et si vous goûtiez à l'excellent cocktail de Sonia ? Nous ferons plus ample connaissance au cours de la soirée...»

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

     [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    Soulagée d'être enfin libérée, Garance suivit Stéphan dans le grand salon où se pressaient parmi les invités les nombreuses relations de son mentor. Tandis que Stéphan discutait avec ses connaissances, Garance, une coupe de cristal à la main, observait l'assemblée. Samuel et Lily Feng, Geoffrey Plènozas, Siobhan Fyres, Bjorn Bjergsen, tous d'importants membres influents de la communauté. Mais son attention était surtout distraite par le couple assorti que formaient Sonia et Corentin. Elle, superbe dans son long fourreau de satin rouge diablesse qui moulait son corps aux formes voluptueuses, ses longs gants de velours noir faisant ressortir le grain parfait de sa peau. Lui, racé, le port de tête altier qu'adoucissaient ses manières nonchalantes et néanmoins irréprochables.

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

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    Garance ne pouvait s'empêcher d'observer le candidat à la dérobée, impressionnée malgré elle par son charisme et sa prestance. Les photos des magazines ou la lumière des caméras à la télévision ne rendaient pas justice à la beauté ciselée de ses traits ni à l'intensité de son regard. D'ailleurs, toutes les femmes présentes étaient sous son charme et tentaient d'accaparer son attention. Elle essaya de deviner avec laquelle de ses groupies il repartirait ce soir. A moins qu'il ne décide de finir la nuit avec leur hôtesse.

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

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    Prenant brusquement conscience qu'il n'était pas très poli de dévisager ainsi les gens, Garance s'obligea à détourner le regard et à chercher un autre centre d'intérêt.

    «La dame en rouge aime le rouge, forcément», pensa Garance en avisant la décoration du salon qui se déclinait dans toutes les variations de cette couleur.

    Enfin, une fois que tous les invités eurent été accueillis et servis en boisson, Sonia Gothik se dirigea vers un micro situé au fond du salon et s'adressa avec enthousiasme à l'assemblée :

    «Mes chers amis, il est temps d'écouter notre invité d'honneur, le futur député de San Myshuno, monsieur de Neuville, qui va vous exposer son programme!»

    C'était le moment que Garance attendait avec impatience. Corentin se fraya un chemin vers l'estrade à travers la foule applaudissant à tout rompre.

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

    «Mesdames et messieurs, je vous remercie de votre présence si nombreuse en ce lieu et je remercie notre hôtesse d'avoir eu la gentillesse d'organiser cette soirée si importante pour moi et la cause que je défends. Rassurez-vous, je m'en voudrais de gâcher la fête par un discours trop long...»

    Quelques rires vinrent saluer cette boutade.

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    «... aussi je vais tenter de m'en tenir à l'essentiel ! Depuis un moment, les grands partis politiques, laminés par les scandales en tout genre et les trahisons, sont en plein naufrage et ont vu la mise à la retraite de toute une génération de dirigeants, laissant la place, à droite, à certains boute-feux qui tentent de se rapprocher de l'extrême-droite dans l'espoir de gagner quelques misérables voix, et à gauche, à d'autres boute-feux prêts à provoquer l'insurrection au nom de l'insoumission...»

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    La suite se perdit dans un bourdonnement indigeste tant Garance était ulcérée par les propos qu'elle entendait. C'était encore pire que ce qu'elle pensait. Elle se retenait à grand peine de se ruer vers l'estrade pour se saisir du micro et démonter point par point cette argumentation scandaleusement dogmatique. Par acquit de conscience, elle tenta de se concentrer à nouveau sur le discours du candidat. Corentin abordait les questions économiques... libérer le travail et l'esprit d'entreprise... blablabla... redresser les finances publiques... blablabla... supprimer les 35 heures... blablabla... supprimer l'ISF... blablabla... supprimer de 250.000 à 300.000 emplois publics... blablabla... Plus les propositions avançaient et plus Garance sentait monter une juste et dévastatrice colère. Elle fulminait littéralement. Son mentor avait été complètement insensé de seulement croire qu'elle pourrait songer à penser à accepter de travailler pour ce suppôt du grand capital. Encore heureux que Neuville roulait pour le centre-droit, censé se montrer plus humaniste que la droite sinon il n'y aurait eu aucune limite au mépris qu'il affichait pour une partie de ses compatriotes ! Ravalant son indignation, elle continua vaillamment à écouter les poncifs émaillant l'allocution du candidat. Puis, son intérêt fut réveillé quand Corentin de Neuville commença à évoquer un des thèmes qui lui tenaient à cœur.

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

     «La question sociale a été le grand débat du XXe siècle, je suis persuadé que la question environnementale sera celui du XXIe. Il faut maintenant choisir entre l'action et l'immobilisme car nos sociétés ne peuvent continuer à ignorer les conséquences écologiques et sociales de leur développement. Je sais que de mauvaises habitudes ont été prises et qu'il sera très difficile de revenir en arrière. Au regard de l'histoire de la vie sur terre, celle de l'humanité commence à peine. Et pourtant, la voici déjà, par la faute de l'homme, menaçante pour la nature et donc elle-même menacée. Nous ne pouvons plus nous permettre d'agir par égoïsme ou par aveuglement car nous vivons désormais à crédit...»

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    L'orateur continua ainsi à développer son argumentaire écologique en un vibrant plaidoyer qui ne manquait pas de sincérité ni d'idées intéressantes, Garance dut en convenir elle-même à sa grande surprise. Elle avait été comme hypnotisée par la faconde éblouissante du personnage qui semblait maîtriser son sujet. Elle se sentit presque coupable de l'avoir autant mésestimé... avant de se reprendre in extremis. Même s'il s'était montré brillant dans la dernière partie de son discours, rien n'effacerait à ses yeux l'odiosité du début. Elle fut brutalement tirée de ses réflexions par le tonnerre d'applaudissements qui salua la fin de l'intervention du jeune politicien. Neuville fut aussitôt entouré par une horde d'admirateurs et Fogel rejoignit sa jeune protégée.

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    «Alors, ma chère Garance, ton verdict?»

    La jeune fille lui lança un regard courroucé.

    «Je ne crois pas que tu veuilles vraiment connaître le fond de ma pensée, il y a certains mots qu'une femme bien élevée évite d'employer...»

    [GEMD] Chapitre 2 : "Les étoiles brillent dans le ciel comme un tapis de pierres précieuses sur le velours sombre de la nuit."

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    L'arrivée inopinée de Corentin, qui avait délaissé sa cour de flagorneurs, la coupa dans son élan.

    «Alors ? Qu'avez-vous pensé de mon discours ?
    — Il était excellent», le rassura Fogel.

    Corentin se tourna vers Garance dont le visage fermé ne présageait pas le même ressenti.

    «Partagez-vous le même avis que notre ami ?
    — Effectivement, votre discours était excellent... pour un homme de la droite pure et dure. J'ai bien peur que nos positions politiques soient idéologiquement irréconciliables !
    — N'avez-vous réellement rien trouvé qui vous donnerait envie de travailler pour moi ?
    — Avez-vous pensé chaque mot que vous avez prononcés ?» éluda la jeune femme qui voulait éviter à tout prix un esclandre. Elle savait qu'elle pouvait s'emporter vite quand on abordait certains sujets chatouilleux.

    Neuville garda le silence quelques secondes, grave soudain.

    «Vous n'attendez pas sérieusement de moi une réponse à votre question quelque peu offensante ?
    — Vous venez de me fournir la réponse et j'ai bien peur que nous ne soyons irrémédiablement incompatibles...»

    Elle se tut un moment puis reprit à contre-cœur, incapable de la moindre malhonnêteté intellectuelle :

    «Par contre, j'ai beaucoup aimé votre passage sur l'écologie, Stephan ne m'avait pas menti là-dessus.»

    A ces paroles, Neuville parut soudain soulagé d'un grand poids et un sourire sincère étira ses lèvres sensuelles.

    «Eh bien merci pour votre franchise ! Je pense que nous ne devrions pas rester sur cette première impression désastreuse. Je vous propose de passer à mon local de campagne demain à 9h00 et nous reviendrons point par point sur mon débat de ce soir ! Peut-être arriverais-je à vous convertir peu ou prou ?»

    Ces mots, prononcés avec la plus exquise des politesses, étaient également un congédiement en bonne et due forme, Garance ne s'y trompa pas. C'est avec soulagement qu'elle se dirigea vers la sortie, pressée d'échapper à l'intensité du regard aigue-marine et la manœuvre diabolique dont elle venait d'être victime. Car, en lui proposant cette rencontre, c'est à elle qu'il ferait porter tout le poids de l'échec de la collaboration souhaitée par Stéphan si elle se désistait. Une chose était sûre : elle ferait tout pour retourner la situation à son avantage, en le poussant dans ses derniers retranchements si nécessaire, mais elle n'abdiquerait jamais ses idées.

     

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